Une journée au Vietnam : des images, des sons, des odeurs, des sensations

Une journée au Vietnam : des images, des sons, des odeurs, des sensations

Un bruit de moteur diesel, bruyant mais lointain, régulier, qui vient du fleuve. Une lumière diffuse, pâle, rosâtre et embrumée : le soleil tente de percer l’épaisse couche de nuages résidente, qui parfois se fait plus discrète, mais qui semble avoir élu domicile ici pour l’éternité. 5h37.

Puis ce sont les autres moteurs, plus petits, 2 temps, mais beaucoup plus nombreux. Les klaxons, en continu, avec leurs différences d’intensité et de timbre, parfois de mélodie.

Les coqs qui se répondent, on pourrait arriver à évaluer assez précisemement la distance qui les sépare et la provenance spatiale de leur cri puissant. Ensuite ce sont les autres volatiles, moins français, parfois colorés, et les grillons qui tentent de se faire une place dans ce brouhaha, ils sont bien là, plus discrets, mais très presents pour peu qu’on y prête attention. Viennent les voix humaines, fortes, mono-syllabiques et rapides. Tantôt enjouées, tantôt énervées, toujours pleines d’énergie.

Un fond de Diesel, une pincée de cannelle, du poivre, des herbes, une pointe de girofle. Le phô, (FEU en phonétique) ce “vin chaud” vietnamien qui chatouille les narines du dormeur occidental qui sort de sa torpeur, et qui sert de carburant matinal au travailleur d’ici. Puis ce sera le fumet de poisson : fort, acide, séché, frais ou déjà fatigué… La viande tranchée, quelques notes ferreuses ensanglantées…

Le café rond beurré et sucré, parfois avec des relents doux de noix de coco : bon et si différent.

Quelques pas de plus et c’est le tour de la friture et du barbecue… ah tiens, un durian… ou peut-être les détritus en décomposition ramassés juste devant par un camion-benne en mission.

Un arrière-goût âpre de papier ou de bois brûlé après la premiere inspiration consciente. Les rizières sont proches, très en eau et légèrement enfumées, les récoltes sont passées, on prépare la terre pour les semis suivants, en tout cas on y travaille.

Il est midi, il fait lourd et l’humidité renforce l’étouffement. Le traffic se densifie, les scooters et motos zig-zaguent dans un ballet continu et sans fin. Les rares piétons glissent sans s’arrêter ni se retourner tels des toreadors au travers du fleuve motorisé assourdis par les avertisseurs de tout genre. Ça sent les repas partout, tout le temps. Les gens sont recroquevillés sur des salons de jardin pour enfant, des dinettes en plastique, discutent et rient à même le trottoir, entre deux scooters garés qui délimitent la “terrasse”. Madame fait bouillir de l’eau pour cuire à la vapeur les galettes de riz faites minute. Là un livreur Uber local, là un grab moto taxi. Des reliquats musqués de tannerie, et une devanture de magasin de cuir : “I CAN MAKE FOR YOU, MADAME, NICE SHOES, SAME SAME, DIFFERENT COLORS !”

Puis tout se calme au soleil culminant, la sieste provençale d’ici, peut-être un reste d’héritage français… Ça sent toujours la nourriture : partout et constamment, mais entrecoupé par des agressions olfactives parfois désagréables. Souvent du poisson certainement destiné à finir liquéfié, agrémenté de lime, de sucre et de piments pour sublimer une variante de rouleau de printemps fraîchement confectionné. De l’encens par kilo brûlé autour des gâteaux secs et bouteilles de whisky posés en offrande au temple du milieu de la rue.

Le soleil faiblit, il remet son voile gris sur les épaules, se prépare pour la nuit. Les lumières partout, les enseignes vertes et rouges sur fond noir : des bun cha, des banh xeo, des phô. Des “hello!” enthousiastes des écoliers en fin de journée, passagers à l’arrière des motos ou des vélos. La frénésie reprend, l’odeur des grillades avec elle. On se lance ici et là dans une interprétation hasardeuse d’un titre populaire local. Debout, micro a la main, sur une sono trop forte, pour défendre le titre de pays roi du karaoke. La peau colle, la douche se fait attendre. Le bruit du souffle à travers la clim. Et après, avant de se coucher, il faudra quand même se recouvrir de poison pour ne pas, à son tour servir de repas aux jusqu’ici tranquilles, mais voraces buzzers volants noctambules.

03/12/2022 Publié par Yann dans :
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